Lors de la journée consacrée au thème « Accéder au bien-être » des Rencontres du Développement Durable, Victor Dhollande, Journaliste à Europe 1 a modéré une table-ronde intitulée « Accéder au bien-être, soucions-nous de la santé », qui a rassemblé Natalia Dejean, Directrice de WECF France, Hélène Monier, Professeure à Burgundy School of Business, Pascale Mora, Directrice de la communication scientifique de L’Oréal et Jennifer de Temmerman, Députée, Présidente du groupe d’étude ODD
La crise sanitaire a remis au coeur du débat public l’importance de notre système de santé, à l’échelle nationale avec la saturation des hôpitaux et services de réanimation ; mais aussi à l’échelle internationale avec la nécessité d’assurer une coopération efficace entre les pays, dans l’échange d’informations, la coopération scientifique et la coordination des politiques publiques associées.
Les confinements à travers le monde nous ont amené à repenser nos interactions avec notre écosystème, notre rapport à l’espace qui nous entoure et à la nature notamment la manière dont nous les exploitons. La baisse de l’activité économique et des déplacements engendrés par les mesures de restrictions sanitaires ont entraîné une baisse significative de la pollution de l’air mais les mesures de distanciation sociale ont aussi entraîné une hausse des maux psychologiques. Cela nous démontre la nécessité de nous soucier des enjeux sanitaires avec une approche holistique, en prenant en compte les aspects environnementaux, sociétaux et médicaux.
Peut-on réellement se préparer aux pandémies ?
La pandémie de Covid-19 a frappé le monde entier, avec une propagation rapide permise par les interconnexions de nos sociétés mondialisées. Certains pays, forts de leurs expériences passées dans la gestion d’épidémie, possédaient déjà des systèmes sanitaires résilients face à ce genre de défis. Malgré tout, tous les pays touchés ont connu une forme de pression sur leurs institutions de santé, de la prévention, aux soins, en passant par le dépistage massif.
La France a été, en ce sens, particulièrement touchée. La crise sanitaire a eu pour effet de montrer au grand jour nos faiblesses - pour la plupart déjà connues - comme sa forte dépendance vis à vis des marchés extérieurs pour se fournir en médicaments, en matériel de soins comme les respirateurs, ou de protection à l’image des masques. Jennifer de Temmerman le souligne : « les alertes étaient pourtant là depuis de nombreuses années, les failles actuelles ont été soulevées depuis 2018. Il y a eu en 2017 dix fois plus de signalements sur les ruptures d’approvisionnement en médicaments que les années précédentes » !
Cette crise a déstabilisé nos sociétés, même si des processus de gestion de crise avaient été établis par les pouvoirs publics et les entreprises. Cependant Hélène Monier pointe le manque de cas concrets et d’exercices pratiques de simulations pour s’approprier ces processus. Ainsi, les organisations ont majoritairement agi dans la réaction et non dans l’anticipation que ce type de situation exige.
Les enseignements des sciences de la gestion des risques et des crises doivent être tirés de cette pandémie, notamment par le développement d’exercices de mise en situation comme ceux pratiquées aujourd’hui en milieu universitaire. Il doit être possible de transférer ces pratiques dans les services de Santé et Sécurité au travail, dans les institutions publiques, et les entreprises. Sensibiliser les citoyens et salariés sur les risques est une nécessité. Cette sensibilisation doit aussi comprendre la question de la santé mentale, étant donné les maux psychologiques qui peuvent émaner d’une situation de confinement.
Santé et environnement, même combat ?
Cette crise sanitaire, comme la crise climatique touche principalement les femmes. Elles sont en effet les premières précarisées par les conséquences du réchauffement climatique et sont aussi en première ligne dans les métiers du soin et du service à la personne. Si les liens entre santé et climat s’illustrent dans les conditions de vie des femmes, ils sont aussi présents de manière plus large : une biodiversité maltraitée et des écosystèmes en danger augmentent la fréquence des zoonoses, virus transmis de l’animal à l’homme à l’image de la covid-19. Renforcer la protection de la biodiversité en France et partout dans le monde pour limiter les risques de pandémies futures est donc une nécessité.
Au-delà de cette pandémie, les liens entre santé et climat sont forts. La pollution est aujourd’hui identifiée comme un facteur de mortalité important par l’Organisation Mondiale de la Santé, qu’il s’agisse de la pollution de l’air, de l’eau ou encore des produits alimentaires que nous consommons, pollués par des micro-plastiques, des perturbateurs endocriniens, des néonicotinoïdes… Pour limiter les maladies aux causes environnementales, s’appuyer sur des réglementations au niveau européen par exemple comme le souligne Jennifer de Temmerman, ou favoriser la prévention et l’éducation dès le plus jeune âge sont deux solutions à envisager. Natalia Dejean rappelle la nécessité de développer la prévention sur les conséquences de la pollution sur notre santé. Ainsi, « le socle de connaissance pour faire face aux défis (sanitaires) actuels du monde se crée aussi à l’école ». Cette prévention est rendue possible par les analyses réalisées par le Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat - GIEC qui certifie la qualité des publications scientifiques sur le sujet. Des associations comme WECF travaillent à leur vulgarisation et leur diffusion.
Pascale Mora souligne finalement que cette crise interroge les rapports que nous entretenons avec les biens que nous consommons : « cette crise a pu exacerber certaines attentes, certains besoins que les consommateurs ressentent face [aux] produits [de L’Oréal] ». Ces réflexions orientent aujourd’hui les modes de production ainsi que les produits proposés par les entreprises, car la demande des consommateurs est la première des contraintes auxquelles elles sont soumises. L’information des consommateurs sur les composants contenus dans les biens de consommation est aussi devenue un axe majeur de communication et un critère de choix pour les clients.
La santé, bien public et universel
La santé est un bien public universel mais l’accès à celle-ci peut s’avérer compliqué. Pour des raisons géographiques d’abord : c’est le cas dans les « déserts médicaux » en France - le problème existe et persiste également ailleurs sur la planète. Pour des raisons d’accès aux traitements (médicaments, vaccins) et équipements (masque, respirateurs) ensuite, notamment pendant les périodes de crises inattendues comme celle du covid-19.
Pour Jennifer Temmerman, « il y a un travail européen a faire sur la filière médicamenteuse pour la relocalisation, sur la tension entre la rentabilité pour les entreprises pharmaceutiques et les contraintes de l’Assurance Maladie ». Cela souligne également les inégalités économiques dans l’accès aux soins.
Toutes ces questions attendent en réponse des choix politiques forts : de la revalorisation des salaires des professionnels de la santé, à des politiques industrielles de relocalisation, en passant par la sensibilisation des citoyens sur les risques sanitaires. Il apparaît aujourd’hui plus que jamais que la (re)construction d’un système de santé résilient mobilise l’ensemble des champs d’actions de nos politiques publiques, une première pierre nécessaire de la construction du « monde d’après ».