Lors de la journée consacrée au thème “Partager la Terre” des Rencontres du Développement Durable s’est tenue une Masterclass durant laquelle Alexandra Palt, Directrice générale adjointe de L’Oréal chargée de la Responsabilité sociale et environnementale a appelé les grands groupes à prendre leurs responsabilités dans la construction d’une économie « zéro carbone ».
Pour une sortie de la crise de la Covid-19 éco-responsable, les entreprises s’engagent
Mettre en place un système économique durable malgré les difficultés nées de la crise sanitaire, tel est l’engagement de nombreuses entreprises pour un « monde d’après » plus responsable. Depuis l’annonce du plan de relance européen en juillet 2020, les secteurs de l'agroalimentaire, du luxe et du transport plaident pour la mise en place d’une économie plus circulaire.
A l’occasion des Rencontres du Développement Durable, Alexandra Palt, directrice générale adjointe de l’Oréal a appelé à la prise de responsabilité de l’ensemble des grands groupes dans la construction d’une économie zéro-carbone.
Des démarches éco-responsables nécessaires et rentables
Avec la crise du Covid-19 sont arrivées de nombreuses incertitudes économiques. Est-ce un défi risqué de demander aux entreprises d’investir de manière « éco-responsable » dans un climat économique tendu ? Pour Alexandra Palt, c’est au contraire un investissement plus que jamais nécessaire car la sortie de la crise de la Covid-19 ne se fera sans un changement structurel menant à la mise en place d’une économie durable.
Cet appel à l’éco-responsabilité des entreprises fait écho aux actions prises par L’Oréal depuis 2007 : engagement pour la réduction des gaz à effet de serre de près de 40 % d’ici 2025, transition vers 100 % d’emballages recyclés d’ici 2030 pour les remplacer par de nouveaux matériaux hybrides. Bien sûr, une telle transformation pose inévitablement la question du ratio coût/économies réalisées.
La sensibilisation comme mot d’ordre de la transition
« Pour qu’un changement de fond soit mené, il est impératif que le ton soit donné au plus haut niveau de la hiérarchie » rappelle Alexandra Palt. Aucune transition structurelle et déontologique ne peut se produire sans la conviction profonde des dirigeants.
Pour intégrer pleinement les objectifs de développement durable (ODD) dans les grands groupes, il apparaît nécessaire de former et de sensibiliser les équipes dirigeantes et plus largement les travailleurs à ses enjeux et à ce qu’une telle transition implique. Une véritable culture d’entreprise, tournée vers l’avenir et l’innovation, peut s’avérer utilise pour l’adhésion de tous à ce projet.
Pour une transition écologique pérenne, il est aussi primordial que l’ensemble de l’écosystème économique qui gravite autour de l’entreprise entame lui aussi, une transformation verte. Sensibiliser les entreprises partenaires sur la transformation, l’exploitation, l’altération des écosystèmes provoquées en grande partie par leurs activités est une nécessité. L’action finalement, commence par l’éveil des consciences.
Pour commencer progressivement ce travail de sensibilisation de ses équipes ou partenaires, les grands groupes peuvent fournir de la documentation adaptée, et mettre en place des ateliers ou des stages portant sur les questions de relocalisation du processus industriel, de circuits courts, de reconstitution d’écosystèmes naturels en partenariat avec des ONG par exemple. L’idée est de toucher l’humain, avant le travailleur.
Accompagner le changement des consommateurs et soutenir les franges de la population les plus vulnérables
Pour transformer l’offre des entreprises, il faut que la demande du consommateur évolue. Encourager un comportement éco-responsable des clients est une étape essentielle. Car bien que la sensibilité des consommateurs à l’environnement soit globalement élevée elle diffère selon les personnes. Trois groupes d’opinions se dégagent : les éco-engagés (24 % de la population), très préoccupés et impliqués, les éco-sceptiques (14 %), dubitatifs ou indifférents et enfin, la majorité des personnes avec une sensibilité intermédiaire : les éco-indécis (62 %).
Il est intéressant de constater que la sensibilité des consommateurs aux problématiques environnementales joue un rôle, malgré les différents niveaux de revenu de ces derniers. En effet, les consommateurs ayant un niveau de vie modeste sont prêts à payer 13 % de plus pour un produit plus vert, tandis que les plus aisés paieraient 34 % de plus. L’impact du niveau de vie est donc déterminant : plus un consommateur est aisé, plus il est prêt à payer pour des produits « plus verts ».
L’impact de la sensibilité environnementale est tout aussi important : dans un cadre virtuel d’achat, les éco engagés sont prêts à payer 44 % plus cher pour un produit avec une note environnementale supérieure d’un degré, tandis que les éco-sceptiques consentent à dépenser seulement 5 % de plus.
Au regard de l’impact inédit de la crise sanitaire, cette dernière représente un terreau fertile pour la remise en question de nos habitudes de consommation et la prise en compte de leur impact sur l’environnement.
La justice sociale enjeux sous-jacent de la justice environnementale
En cette période d’incertitude économique, soutenir les transitions éco-responsables ne doit en aucun reléguer au second plan la nécessité d’une action sociale proactive. Protéger les populations et les écosystèmes les plus fragiles est ainsi l’objectif ambitieux du nouveau programme de solidarité de l’Oréal. Il prévoit 100 millions d’euros dédiés à l’impact investing environnemental (investissements ayant des impacts environnementaux et sociaux auxquels s’ajoutent un rendement financier) et 50 millions pour un fond de dotation des femmes les plus vulnérables.
D’après l’étude d’Admical sur l’engagement des entreprises pendant la crise, le mécénat s’est affirmé comme étant l’un des canaux d’engagement prioritaires. Les entreprises ont eu recours au mécénat sous toutes ses formes. Les dons financiers ont évidemment afflué vers les structures publiques, mais on constate également une montée en puissance du mécénat en nature (masques, gels hydroalcooliques, denrées alimentaires) et de l’engagement des collaborateurs via du bénévolat ou du mécénat de compétences.
Aussi, pour mutualiser leurs ressources et gagner en efficacité, de nombreuses entreprises se sont fédérées autour de collectifs déjà existants ou créés immédiatement au début de la crise.
Passant outre les enjeux de concurrence et les rivalités habituelles, elles ont joué la carte de la coopération entre acteurs privés, tout en s’appuyant sur les associations, les ONG et les institutions publiques. L’engagement du groupe LVMH qui a lancé, dès mars 2020, la production de gel hydroalcoolique et de 10 millions de masques chirurgicaux et de masques FFP2 à destination des hôpitaux en est un parfait exemple. De son côté, le groupe Pernod-Ricard a offert 70 000 litres d’alcool pur au laboratoire Cooper pour la réalisation de gels hydroalcooliques ; le groupe Hermès a donné plus de 20 millions d'euros à l'AP-HP, plus de 30 tonnes de solution hydroalcoolique et plus de 31 000 masques des différentes entités de l'entreprise.
Certains grands groupes ont donc réussi à dépasser, au plus fort de la crise sanitaire, la concurrence qui les anime généralement, pour faire primer l’intérêt commun. Et c’est précisément de cela que parle Alexandra Palt quand elle appelle les grands groupes à prendre leurs responsabilités en faveur du bien commun.