Lors des Rencontres du Développement Durable, Laurence Monnoyer-Smith, Conseillère pour l’environnement du Président du CNES et ancienne Commissaire générale au Développement Durable et Odile Roussel, Représentante spéciale de la France pour la RSE, ont affirmé que pour agir fort en matière environnementale, il fallait fédérer large.
En 2011, Ban Ki-Moon, alors Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU), lance l’initiative SE4All - Sustainable Energy For All, ou en français « Énergie durable pour tous ». L’objectif principal est de réunir tous les acteurs du secteur de l’énergie afin de mettre en place un plan d’action pour atteindre l’Objectif de Développement Durable (ODD) 7 : garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable. Selon le Secrétaire général, à l’époque il est indispensable de réunir les États, les entreprises et la société civile pour mener à bien les objectifs fixés par l’Agenda 2030.
Neuf ans plus tard, le ton n’a pas changé. Lors des Rencontres du Développement Durable, Laurence Monnoyer-Smith, Conseillère pour l’environnement du Président du CNES et ancienne Commissaire générale au Développement Durable et Odile Roussel, Représentante spéciale de la France pour la RSE, ont affirmé que pour agir fort, il faut fédérer large. Afin de prétendre à la réalisation des 17 ODD, il est important que, du global au local, chacun se sente concerné.
Pourtant, 5 ans après la mise en place des ODD, les résultats obtenus semblent dérisoires face à l’ampleur de la tâche qu’il nous incombe de réussir. L’importante augmentation de la température globale à la surface de la Terre ces dernières années, l’augmentation de la pauvreté avec la pandémie : tant d’exemples montrent qu’il reste du chemin à parcourir. Pour y parvenir, il est urgent de s’allier.
L’État comme moteur fédérateur de l’Agenda 2030 ?
Pour Laurence Monnoyer-Smith, chargée d’instaurer la feuille de route destinée à la réalisation des 17 Objectifs - l’Agenda 2030 - le « processus fut assez long pour réussir à constituer la communauté des ODD ».
Cet Agenda 2030 représente la feuille de route de la France en matière de développement durable. Il ne s’agit plus uniquement de directions données par l’administration française, mais d’objectifs choisis par toute une fédération d’acteurs : l’administration publique évidemment, mais aussi les entreprises, les organisations non-gouvernementales ou encore les citoyens. Tout le monde doit désormais se sentir concerné par ces enjeux.
Pour cela, l’Etat peut enclencher le processus législatif afin d’inciter toutes les parties prenantes à agir en faveur de la réalisation des ODD. Odile Roussel relève deux évolutions législatives.
La première, la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, impose d’exercer un devoir de vigilance environnementale, sociale et sociétale dans les activités des entreprises de plus de 5 000 salariés (en France) et de plus de 10 000 (France et étranger). La loi va plus loin encore, et ajoute une dimension extraterritoriale : ce devoir de vigilance s’applique à toute la « chaîne d’affaires », c’est-à-dire à toutes les entreprises de sous-traitance.
La seconde, la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises dite loi PACTE, permet de redéfinir la raison d’être des entreprises et de renforcer la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux liés à leur activité.
Le lien nécessaire entre entreprises et associations
Cependant, une forme de vigilance à l’égard des entreprises est nécessaire, car le piège du greenwashing peut s’avérer tentant. Les arguments écologiques avancés par les entreprises doivent être en phase avec la réalité de leurs activités. Certaines associations, à l’instar du Collège des Directeurs du Développement Durable (C3D) ou du United Nations Global Compact, sont essentielles pour faire progresser les entreprises et les faire agir plus efficacement en faveur des ODD, grâce à un partage d’expérience et de bonnes pratiques. L’objectif final est que les entreprises et autres grands groupes améliorent leur savoir-faire sur les questions environnementales et sociétales. Le lien entre associations et entreprises s’avère véritablement bénéfique dans la transition, c’est pourquoi le dialogue entre ces deux types d’acteurs n’est pas à négliger, d’un côté comme de l’autre.
Une autre façon d’aller dans le sens de l’Agenda 2030 est de permettre un dialogue social en entreprise efficace. Seulement en France, les organisations syndicales ne se sont pas majoritairement saisies des ODD. Cela permettrait pourtant de faire pression sur les entreprises afin que celles-ci soient plus responsables, comme cela se passe dans les pays scandinaves par exemple. Tout espoir n’est pas vain cependant : le dialogue social en entreprise demeure au cœur des stratégies RSE comme le rappelle Laurence Monnoyer-Smith, puisque ces stratégies doivent être validées par le Comité social et économique, instance représentative du personnel en entreprise. En outre, une explication existe quant à la faible prise de position des syndicats sur les ODD : le fonctionnement même de l’Agenda 2030 nécessite que chacun s’empare des ODD. Et traditionnellement en France, c’est l’État qui impulse les nouvelles politiques à mettre en place. Cela explique le décalage entre les objectifs fixés par l’Agenda 2030 et la façon dont les organisation syndicales s’en saisissent. Pour une transition efficace et durable, il faut que toutes les parties prenantes s’engagent
Au niveau global, un multilatéralisme semble nécessaire
Le dialogue entre l’État, les entreprises et la société civile est donc essentiel afin d’avancer en faveur de l’Agenda 2030, sur un plan local et national. Au niveau international également, la coopération doit être le maître mot.
Une coopération accrue entre nations, organisations internationales et grandes entreprises est nécessaire pour atteindre les 17 ODD en temps voulu. Mais tout n’est évidemment pas aussi simple. Pour Odile Roussel, le portage des Objectifs de Développement Durable sur la scène internationale est différent d’une région à l’autre, car les ODD ne sont pas au cœur des réflexions politiques nationales sauf dans de rares exceptions. Les États du nord de l’Europe sont souvent considérés comme les élèves modèles en matière de réalisation des Objectifs de Développement Durable. Hors pays scandinaves, les Etats n’ont pas toujours à rougir de leur position. La France par exemple occupe même une position de chef de file sur certains sujets. Elle co-préside le Forum Génération Égalité, un rassemblement mondial en faveur de l’égalité femmes-hommes. Aussi, la nomination en Espagne d’une Vice-Première ministre en charge de la transition écologique, chargée de surveiller la mise en place de l’Agenda 2030, montre l’intérêt du pays à agir en faveur des ODD.
Par exemple, l’OIT établit les normes internationales du travail et contrôle régulièrement leur mise en oeuvre. Cependant, elle n’a pas le pouvoir de l’imposer. Elle promeut un dialogue social tripartite entre États, entreprises, et syndicats, afin de délivrer un message précis ; l’information est d’ailleurs peut-être sa principale force. Contrairement à l’OIT, l’OCDE elle n’est pas une organisation tripartite, mais elle associe tout de même les entreprises et les syndicats à ses travaux.
A l'inverse, certaines organisations internationales n’affichent pas cette volonté de convier chaque type d’acteur à la table des négociations, et ne présentent pas de tels résultats. A titre d’exemple, l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), créée en 1995, ne compte dans ses travaux aucune grande mesure concernant l’environnement. Il reste donc, en 2020 beaucoup à faire. On se demande si cette organisation est encore adaptée aux enjeux contemporains, car, comme le souligne Odile Roussel « les dispositions sociales et environnementales [prises par l’OMC] ne sont pas encore assez poussées ».
Avec un G7 ne parvenant pas à se réunir pleinement, un G20 qui certains disent obsolète, et une Assemblée générale des Nations Unies qui se transforme en une partie de ping-pong politique entre grandes puissances, un aspect ressort : le manque de cohésion sur la scène internationale. Pour agir fort en faveur de la transition et d’un futur durable, il faut fédérer large et fédérer des acteurs prêts à s’investir pleinement dans cette mission qu’il nous incombe de réussir.